En mars 2023, Doubt my Sciences a eu le plaisir d'accueillir Jacques Tassin et Quentin Hiernaux.

Jacques Tassin est chercheur en écologie (HDR) au CIRAD de Montpellier. Quentin Hiernaux est docteur en philosophie des sciences et chercheur qualifié du FNRS à l'Université libre de Bruxelles.

Abstract

La biodiversité s’est imposée comme une norme positive absolue, sans que l’on sache toujours vraiment ce qu’elle recouvre. Les valeurs sous-jacentes de la diversité biologique restent non explicitées, mais cela ne semblerait guère importer dans la mesure où il s’agirait d’abord de défendre la masse indifférenciée du vivant contre nous-mêmes. Les indices d’évaluation de la biodiversité relèvent quant à eux de modes comptables, à tout le moins numériques, placés hors de portée de notre regard, quand la réalité dont il s’agit reste pourtant bien vivante. Certes, une première difficulté d’ampleur reste d’appréhender une diversité biologique qui soit envisagée selon un ordre sensible, ramenée au plan de la relation, et qui ne puisse précisément être virtualisée et, ce faisant, faire maladroitement basculer le vivant du côté de l’abstraction. Une autre difficulté est de circonscrire la biodiversité dans un monde en mouvement, traversé de flux d’organismes vivants dont le débit s’accélère avec les transformations climatiques contemporaines, selon quoi tout comptage devient inepte. Faudrait-il, pour mieux nous y retrouver, abstraire les espèces mouvantes, migratrices ou invasives, de notre appréhension de la biodiversité ? À dire vrai, que nous les gardions ou non dans notre inventaire, celui-ci demeurera, nous le savons aujourd’hui, à jamais incomplet. Alors quelle biodiversité conserver quand on ne sait pas même ce qu’elle recouvre et que c’est précisément une biodiversité en mouvement et en devenir, libre d’évolution et d’adaptation, qu’il s’agit de préserver ? En somme, qu’est-ce qui se cache derrière notre égard au concept de biodiversité ?

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